Grosse envie de vous parler de nos cousins mozilliens sénégalais, que j’ai eu la chance de rencontrer voici presque un an avec mon geek et d’autres employés Mozilla. A l’époque, ce blog n’existait pas. Je le regrette, car j’aurais eu tant de chose à raconter sur ce voyage extraordinaire ! Je vais essayer de le faire à rebours, en condensé.
D’autant que, ça ne vous aura sans doute pas échappé, il se passe des choses au Sénégal. Abdoulaye Wade persiste à vouloir se présenter à sa réélection, l’opposition parle d’atteinte à la Constitution. Youssou N’Dour n’a pas été autorisé à déposer sa candidature. Et la rue s’agite. Des heurts sporadiques ont lieu. Des manifestations sont organisées, bien qu’interdites. Les Sénégalais défilent courageusement, la police intervenant à chaque fois. Le climat est délétère.
Nos cousins sénégalais sont au milieu de tout ça. Ils sont acteurs de ce qui se passe dans leur pays. Ils militent encore et toujours pour la Liberté. Sur Internet, et dans la vie quotidienne. Ils forcent l’admiration.
Le week-end dernier, ils ont notamment lancé un Jetpack Tour, pour former leurs compatriotes. Une excellente idée pour les initier à la création d’extensions. Mais si vous connaissiez Camara, vous sauriez qu’il a toujours des excellentes idées ! Ils étaient 4, ce qui peut paraître peu, mais en fait, c’est génial ! 4 personnes ont bravé l’insécurité et les tensions pour partager leurs connaissances, apprendre, et commencer à créer des extensions.
Mais qui est Camara ? Impossible de parler de la communauté Mozilla Sénégal, sans parler de lui, alias mmkmou. Il EST la communauté Mozilla Sénégal. C’est lui qui lui a donné naissance et continue de la porter à bouts de bras.
J’ai eu la chance de faire sa connaissance il y a un an. Il nous avait invités pour participer au lancement de sa communauté et avait organisé un cycle de conférences dans les écoles d’informatique de Dakar, des ateliers, des rencontres diverses… A l’heure près !
Imaginez un petit bonhomme, tout frêle et tout timide. Mais complètement geek (je le vois encore le matin, arrivant avec ses petits yeux pleins de sommeil car il avait codé toute la nuit). A Dakar, Camara participe à tout ce qui a trait au logiciel libre : Dakar Lug, développement sur mobile, communauté Drupal… la liste de ses capacités est longue, et sa volonté est immense. il n’a de cesse d’organiser des événements pour sa communauté (Meetup Ramadan, ateliers sur Thunderbird, journées Mozilla, etc.), et de chercher de nouveaux contributeurs. En fait, Camara est tout simplement GÉNIAL, une merveilleuse personne.
Dès le premier jour, mon geek et moi avons assisté à une journée organisée par la communauté Drupal. Et les conférences étaient passionnantes ! C’est là que nous avons compris le courage, la volonté des Sénégalais. Lors de notre séjour, nous avons participé à l’un des ateliers qu’ils organisent tous les mercredis, pour apprendre le développement pour téléphones portables… sans avoir eux-mêmes de smartphones ! Qu’on se le dise : rien ne les arrête, ils aiment le Logiciel Libre et entendent bien participer à tous les projets qui le composent. Et ils le font avec talent !
Au Sénégal, nous avons donc découvert une importante communauté soudée autour du Logiciel Libre. Une communauté pleine d’envies et de projets. Des gens passionnants et talentueux qui malheureusement doivent composer au jour le jour avec des coupures d’électricité. C’est leur principal problème, et il doit être pris au sérieux. Mettez-vous à leur place: lorsqu’ils développent, créent leur site Internet, ils sont sans cesse interrompus, parfois pendant plusieurs heures. Lorsqu’ils trouvent de la documentation, le temps de la télécharger, une coupure, et il n’y a plus qu’à recommencer. Lors de nos ateliers dans les écoles, il est arrivé plusieurs fois que l’on doive se contenter d’écrire sur un tableau, sans plus pouvoir les faire pratiquer IRL. Et pourtant, des jeunes viennent de toute l’Afrique de l’Ouest étudier au Sénégal, car ils savent qu’il y a de bonnes écoles d’informatique. Mais des écoles dépendantes du courant, et de professeurs qui connaissent rarement le Logiciel Libre (mais est-ce si différent en France ?).
Dans ces écoles, il y avait aussi beaucoup de femmes, souvent près de la moitié des étudiants. Une bonne surprise. J’ai rencontré notamment une jeune fille prénommé Yacine, membre du club scientifique de l’ESTM, et qui m’a expliqué que les femmes étaient là-bas considérées comme étant les égales des hommes. Le problème, c’est qu’elles ont difficilement accès, avant l’université, aux ordinateurs. Et souvent, au sein de leurs familles, elles sont responsables du ménage, des enfants, d’aller chercher l’eau du puits, etc. En gros, elles doivent gérer la vie de tous les jours, et du coup, les garçons sont plus souvent envoyés à l’école que les filles. Lors de la conférence que j’ai donné là-bas sur WoMoz, elles m’ont dit que leur objectif était du coup d’aller dans les écoles primaires et les villages pour convaincre les filles de poursuivre leurs études.
Notre séjour a également été organisé en partenariat avec Jokkolabs, le 1er espace de coworking d’Afrique de l’ouest, soit une initiative à but non lucratif qui a pour mission de susciter la réflexion et l’expérimentation de l’innovation technologique et sociale en Afrique. Jokkoloabs a été créé par Karim Sy, un vrai entrepreneur dans l’âme, un homme adorable qui investit toute son énergie dans ce projet, parce qu’il croit dans le modèle économique du Logiciel Libre. Nous pouvions aussi compter sur Emmanuelle Bouiti, community manager pour Jokkolabs, et véritable boule d’énergie. Elle a assuré toute l’organisation, et est redoutable d’efficacité et de générosité. Emmanuelle, c’est le genre de personnes que vous pouvez appeler à n’importe quelle heure, et qui a toujours une solution ! Et puis, elle les aime ses geeks ! Elle en prend soin, et fait tout pour que leurs projets voient le jour. Je profite d’ailleurs de ce billet pour lui souhaiter à nouveau tous mes vœux de bonheur à elle, et à Stefano, son fiancé.
Emmanuelle et Karim ont orchestré le bouquet final de notre séjour : une grande soirée au Village des Arts, ou comment concilier Logiciel Libre et liberté artistique. Mozilla Sénégal a officiellement été lancé à cette occasion, nous avons essayé de danser aussi bien qu’eux (pari perdu !), et nous avons ri ! Jusqu’au bout de la nuit.
Conclusion :
Mozilla Sénégal poursuit dans les prochains mois son Jetpack Tour. Il va y avoir également une tournée organisée dans tout le Sénégal, pour aller à la rencontre des gens, leur parler du Logiciel Libre. Et il y a toujours la localisation de Firefox en Wolof en gestation.
J’ai désormais une conviction : Mozilla a besoin de sa communauté au Sénégal. Mozilla a besoin de l’Afrique. Il y a tellement d’envie, tellement d’énergie, tellement d’ambition. Et puis Mozilla a besoin de Camara 🙂
PS : j’attire aussi votre attention sur une initiative remarquable. Plusieurs blogueurs ont créé la plateforme citoyenne Sunu2012, qui a pour objectif de diffuser une information libre et transparente sur les différents candidats, une information qui s’affranchirait de la censure, à l’image de ce qui s’est passé sur les réseaux sociaux pendant les Révolutions arabes. Objectif : faire pression pour des élections démocratiques, et inciter les gens à aller voter, en toute connaissance de cause.